Vous pouvez interpeller le gouvernement en vous inspirant du courrier que nous venons d'envoyer. Plus nous serons nombreux à le faire, plus notre interpellation aura de poids symbolique. A vous de jouer...
Monsieur le Premier Ministre
Hôtel Matignon
57, rue de Varenne
75007 Paris
Paris, le 18 mai 2009
LR / AR
Objet :Décret n°2009-427 du 16 avril 2009
Recours administratif
Monsieur le Premier Ministre,
Par un décret n°2009-427 du 16 avril 2009 publié au journal officiel du 19 avril suivant vous avez assuré la publication d’un accord entre la République française et le Saint-Siège relatif – à en suivre la seule dénomination - à la reconnaissance des grades et diplômes dans l'enseignement supérieur, accord signé à Paris le 18 décembre 2008.
Ce décret, pour les motifs ci-après développés, me semble illégal et je vous invite donc à l’abroger.
Par une décision d’assemblée du 3 février 1989 qui est venu préciser et étendre la portée d’une précédente décision du 10 janvier 1930 (CE, Despujol, Rec. CE, p.30 D. 1930 III 41 Note Alibert), le Conseil d’Etat a en effet jugé que « l’autorité compétente, saisie d’une demande tendant à l’abrogation d’un règlement illégal, est tenue d’y déférer, soit que ce règlement ait été illégal dés sa signature, soit que l’illégalité résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date » (CE Ass., Alitalia, Rec. CE p.44, concl. N. Chahid-Nouraï, RFD adm. 1989 p.391). D’une façon générale, l’abrogation d’un règlement illégal s’impose de ce fait toujours à l’administration, soit qu’il ait été illégalement édicté ou qu’il soit devenu illégal par suite d’un changement dans les circonstances de droit ou de fait Cette abrogation peut ainsi se faire à toute époque, soit par l’administration elle-même agissant de sa propre initiative, soit sur la demande de personnes intéressées par cette abrogation.
Tel est l’objet de la présente demande.
D’une part, je vous rappelle, Monsieur le Premier Ministre, qu’examinant ce qui deviendra la loi de 1984, le Conseil d’Etat a considéré que «le principe suivant lequel la collation des grades est réservée aux établissements publics d’enseignement qui remonte à la loi du 16 fructidor an V et que les lois de la République n‘ont jamais transgressé depuis 1880 s‘impose désormais au législateur aussi a-t-il disjoint du projet de loi sur l’enseignement supérieur un titre autorisant le ministre chargé de l’enseignement supérieur à accréditer des établissements privés à délivrer des diplômes nationaux » (avis publié in E.D.C.E. 1987, p. 138).
Ainsi, s’agissant du monopole de la collation des grades, il n’y a aucune rupture mais tout au contraire une constance et une filiation sans faille entre la loi de 1880 et la loi Savary de 1984. Depuis le début du XIXème siècle ce monopole est de ce fait considéré comme étant consubstantiel à la reconstruction de l’université impériale de 1808 puis républicaine.
C’est ce monopole que l’article 17 de la loi du 26 janvier 1984 puis l’article 137 de la loi du 18 janvier 2002, dont est issu l’article L 613-1 du code de l’éducation, viendront consacrer en disposant on ne peut plus clairement que « l’Etat a le monopole de la collation des grades et des titres universitaires ».
Ce principe, à valeur constitutionnelle (ainsi que la doctrine la plus avertie a pu le relever - conf. par ex. Y. Gaudemet, Les bases constitutionnelles du droit universitaire, RDP 2008/3 p.680 ets., spec. p.696), s’impose donc au législateur et a fortiori au pouvoir réglementaire qui ne pouvait donc en aucune façon ratifier l’accord intervenu avec le Vatican sans avoir préalablement fait réviser la Constitution. Or, tel n’a pas été le cas.
Pour ce premier motif, le décret n°2009-427 du 16 avril 2009 a donc été édicté à l’issue d’une procédure irrégulière.
D’autre part, l’article 53 de la Constitution imposait au Gouvernement de procéder à la ratification de l’accord seulement après en avoir été dûment habilité par la loi. Cet article dispose que les accords internationaux « qui modifient des dispositions de nature législatives […] ne peuvent être ratifiés ou approuvés que en vertu d’une loi ». Or, je constate que l’accord dont le décret précité assure la publication prétend bien modifier notamment l’article L.613-1 du code de l’éducation. Il ne pouvait donc être ratifié qu’après habilitation législative.
Enfin, l’article 34 de la Constitution dispose que « la loi détermine les principes fondamentaux : - de l’enseignement ». La définition de l’autorité chargée de délivrer les grades et diplômes relève des principes fondamentaux organisant l’enseignement et doit donc faire l’objet d’une loi pour pouvoir être modifiée.
Il en résulte, Monsieur le Premier Ministre, que vous étiez à l’évidence incompétent pour ratifier sous forme simplifiée un accord international ayant pour effet de modifier des dispositions de natures législatives et constitutionnelles. En y procédant néanmoins, vous avez entaché votre décision d’incompétence et ce faisant d’une illégalité externe qui en justifiera, le cas échéant, la censure par la juridiction administrative.
J’ajoute, Monsieur le Premier Ministre – et sans que cela soit à ce stade décisif – que l’allégation suivant laquelle cet accord n’aurait pour unique objet que d’assurer la reconnaissance des grades et diplômes dans l'enseignement supérieur conformément au processus dit de Bologne, relève d’une véritable dénaturation de l’objet de celui-ci.
L’accord international joint au décret précité accorde en effet au clergé catholique le pouvoir d’organiser sur le territoire français un enseignement à l’issue duquel peuvent être délivrés des grades et des diplômes.
L’article 2 de cet accord attribue ainsi à la Congrégation pour l’Education catholique autorité pour arrêter la liste des institutions, des grades, et des diplômes que l’enseignement catholique délivrera en France. Cet accord contrevient donc directement au préambule de la Constitution de 1946 qui dispose dans son 13ème alinéa que « l’organisation de l’enseignement public gratuit et laïc à tous les degrés est un devoir de l’Etat. » Il est également contraire à l’article 1er de la Constitution de 1958 qui dispose que « la France est une république indivisible, laïque, démocratique et sociale ». L’attribution de prérogatives de puissance publique aux organisations représentantes d’une autorité religieuse enfreint les principes constitutionnels de laïcité.
Qu’en sera-t-il lorsqu’un autre Etat, représentant également d’une autre communauté religieuse, sollicitera de pouvoir délivrer les mêmes diplômes universitaires ?
Ainsi, contrairement à ce que la lettre du décret attaqué laisse supposer, celui-ci n’a nullement pour objet d’assurer la reconnaissance de diplômes entre Etats – ce qui supposerait leur délivrance préalable ! – mais bien d’autoriser un Etat étranger qui plus est théocratique à délivrer des diplômes profanes sur le territoire de la République ce qui, vous en conviendrez, n’est pas sans poser de nombreux problèmes moraux, diplomatiques, politiques et philosophiques.
Tels sont les éléments, Monsieur le Premier Ministre, que je désirais porter à votre connaissance et au regard desquels je ne doute pas que vous en déduirez que le retrait du décret n°2009-427 du 16 avril 2009 s’impose.
Si tel n’était pas le cas, j’envisagerais de saisir le Conseil d’Etat d’un recours tendant tant à l’annulation du décret attaqué que de la décision elle-même, et plus vraisemblablement celle implicite que vous jugerez nécessaire d’opposer à la présente demande.
Je vous prie de croire, Monsieur le Premier Ministre, en l’expression de ma haute et déférente considération.
Le Collectif pour la promotion de la laïcité.
(A remplacer par votre nom)
Prénom, Nom
Adresse